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Black is back


Les Plages de l’ombre

Impressions - 1

Dense est le noir,

qui pulse d’une vie qu’aucun soleil ne réchauffe, qu’aucune mer n’accueille ni ne rejette, qu’aucun ciel ne brouille. Le noir plus noir que la nuit car il contient toutes nos nuits, retient toutes nos ombres mêlées, à peine circonscrites par le cadre de la toile.

24 carat black.

Noir,

est le sang de notre humanité nonchalamment étendue, à l’ombre de sa propre ombre. Un noir qui relie et sépare ces corps dont émane la pâleur d’une lumière au bord de l’évanouissement. Mais qui est là, encore. Noir, telle une marée trouée d’êtres perdus comme des chiens errant dans une ville morte.

Artifices et motifs du corps,

l’incarnat essoufflé d’un maillot, le blanc insistant d’un tee-shirt, le vert d’un chapeau amolli. Effet Polaroïd, quand le rendu photographique flirte avec la frontière du non-réel. Quand surgit ce que l’on ne percevait pas. De prime abord, ce décalage n’en paraît pas un, semble même fidèle au réel, tandis qu’il nous entraîne ailleurs.

De l’autre côté,

des corps qui sont là, sans y être.

Qui transpirent d’une solitude impartagée.


Séparés les uns des autres, non par la géographie qu’impose la plage, mais bien par l’en-dedans. La chair inerte de désirs proscrits, sensuellement impuissante. Solitaire. En attente. Qui sourde d’un calme qui est masque, comme la sérénité sécurisée et l’ordre reluisant des résidences du romancier J.G. Ballard prédestinent à l’asphyxie. Juste avant que ne survienne l’explosion.

Sleep walkers.

A somnambuler sur ces Plages de l’ombre, l’on surprend parfois un furtif regard on ne sait vers où ni vers qui ; un geste de la main qui transperce l’instant, sans le retenir, sans le contenir.

Ombre luminescente.

De nos corps s’échappe le noir, liquide, ample, puissant. Libéré, il emprisonne la lividité, révélant l’incertitude à être de chair et de sang.

L’intranquille réalité,

de nos harassements à se tenir sans trop savoir comment les uns auprès des autres. De nos existences polies par un placide désenchantement.


Qui sommes-nous ?

Nous,

dont le trait du peintre esquisse les mille et une ombres. Les rivages inatteignables, les rives d’un éloignement hanté.

Hors-corps.

L’absence rend plus aigüe la présence des objets - une glacière, un jaune, un parasol, un fushia. Mais toujours palpite et progresse la nuit, intense. Déroutante d’une vie refoulée, d’un autre nous-mêmes, fantôme qui coule du corps et, loin de s’enfuir, s’amasse, encerclant la chair.


Hopper n’aurait su résister à remplir ces Plages de l’ombre de décors et d’habitacles, pour nous rassurer, au risque de voiler ce qui s’y dit.

Ici, le noir est langage, sonorités, mots inaudibles bruissant à flanc de corps-paysages, et le regardeur se fait cartographe malgré lui. Géologue d’une scène en apparence paisible, de présences posées, déposées, sur des serviettes de bain comme des vaincus sur des brancards alanguis.

La chair n’est ni attrayante ni repoussante, elle n’est qu’une surface où se reflète le blême éclat d’une intériorité qui, ne pouvant exulter ni jouir, s’épanche noire et aphasique.

Sorte de douce violence faite à soi-même à se côtoyer aveugles et amputés sous un soleil d’une estivale tristesse. Ascèse du contact, antre de secrètes pensées sans doute par trop indicibles, car alors surgirait le chaos, l’irréductible et vivifiant déséquilibre de l’être en-corps. Alors reviendrait la chair magnifiée par l’ombre absorbée, enfin désirante.

Black is back, who is too blind?

Lalie Walker

Novembre 2015

website Antoine Bouhour et sur son FB

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